Avec ses pieds guêtrés et sa tunique verte
La légion des pins au silence chantant
Laisse filtrer son sang par une entaille ouverte
Qui coule en reflets d'or dans l'urne qui l'attend.
De ses cadres serrés la route suit la ligne.
Chaque arbre mince et droit, l'infirme étant exclu,
S'unit à son voisin comme treille de vigne,
Par un panache en dôme au dessin absolu.
Dans l'éclaircie au loin, le ciel touche à la terre :
On voit entre les pins fuir un fleuve d'azur ;
Il attire à son bord nos désirs quand ils errent,
Mais c'est nous qui passons. Le bois est resté pur.
Quelques pins ont grimpé le long de la falaise ;
Le soleil sur l'un deux est prêt à se coucher,
Orange fantastique à l'éclat de fournaise...
Quel arbre de Noël est donc si haut juché ?
Sur le tapis moelleux, tissé de saisons mortes,
Où crépitent les pas, qui transforme les voix,
L'ajonc et la bruyère aux tons de toutes sortes,
Se blottissent dans l'ombre amoureuse des bois.
Le berger taciturne au cœur plein de légendes
Laisse à son vieux « labrit » la garde des moutons :
Il écoute le vent faisant vibrer ses landes,
Et fripe une fougère où plonge son bâton.
Temple de la nature au culte du silence
Construit aux profondeurs solitaires des bois,
Chaque branche me dit, tout bas, ce que je pense,
M'enivre de parfums, d'harmonie et de foi.
Magdeleine de Lobit de Monval
Poètes des Landes
Les Éditions d'Aquitaine, 1958