Hauts et droits, toujours beaux, sans orgueil, front rêveur,
Les minces peupliers exaltent ma ferveur.
Dès que le jeune avril étoffe leurs ramures,
À leur chuchotement s'accordent maints murmures :
Chanson du vent, des nids, voix des eaux de l'étang,
Bruits soyeux et légers d'insectes voletant...
Que de fois, à leurs pieds, j'ai caressé le songe,
En suivant du regard leur ombre qui s'allonge.
Aussi, ceux que j'ai vu grandir en mon Anjou
Me seront toujours chers, que j'aille n'importe où...
Ourlant les bords de Marne, au port Beauté-Plaisance,
De passage, j'ai pu retrouver leur présence,
Formant comme une haie aux nombreux promeneurs,
Distraits par les voiliers dont chantent les couleurs.
Dans la riche Bourgogne, aux pieds verts des collines,
Je découvre, aujourd'hui, leurs fûts aux lignes fines,
Côtoyant la rivière ou longeant le canal,
En groupe fraternels, comme épris d'idéal ;
Tout rayonnants de gloire en la saison d'automne,
Dans l'or harmonieux dont leur front se couronne.
Exposés, cependant, jusque dans les vallons,
À l'épreuve des vents, des pluies ou des grêlons,
Énergiques lutteurs qui redressent la tête
Après avoir subi l'orage ou la tempête.
Ascétiques, l'hiver dans leur dépouillement,
Ils nous semblent, grandis, toucher le firmament.
Sur nous, l'été, leurs colonnes égales
S'érigent devant nous comme des cathédrales,
Où l'ogive et la nef portent à l'oraison.
Tels sont les peupliers qui ferment l'horizon.
Denise Monnot
Murmures de la Dionne
Arcam, 1986