Il gît là-bas, sur le coteau.
Le vent partout se faufile.
À la cime de tous les chênes
les corbeaux crient par centaines.
Où gît-il ? Je n'entends pas.
La feuillée bruit dans le vent.
Qu'as-tu dit, et quel toit ?
J'ai mal entendu le mot.
Les cimes, ai-je dit, les cimes
où les oiseaux croassent.
Par centaines ses enfants
accourent du haut du ciel ;
Mais c'était donc un corbeau ?
Le vent persifle dans l'ombre.
Qu'as-tu dit, et quelle cime ?
Je ne comprends pas un mot.
Il cachait bien ses efforts
dans l'obscurité nocturne.
Tout ce qu'il a fait : des ailes
pour un certain oiseau noir.
Le vent me gêne, le vent.
Arrête-le, Dieu, arrête.
Que faisait-il donc sur terre
s'il était les gens ?
Les feuilles, rêvant, murmurent,
et lui gît, sans plus un souffle.
Tu vois le nuage au ciel,
c'est son âme.
Maintenant je te comprends :
il s'est enfui dans la nuit.
Maintenant il gît, étreignant
les racines dans la chênaie.
Je fabrique un toit, un toit
d'épais feuillage de chêne.
Il gît plus muet qu'un lac,
plus humble que la moindre herbe.
Je le couronne de ténèbres.
Un diadème lui siéra.
Comment est-il, sous la terre ?
Il ne se relèvera pas.
Il gît là-bas couronné,
là-bas je l'ai oublié.
Et donc c'était un corbeau ?
Un oiseau, c'était, un oiseau.
6 juin 1962
Joseph Brodsky
Vertumne et autres poèmes
Traduit du russe par Véronique Schiltz
Gallimard, 1993