Ma tête et mon poignet sortent d'un arbre rouge
Feuille à feuille gravé par un chinois du port,
Les femmes de Marseille ont rafraîchi leur bouche
Au feuillage touffu qui me couvre le corps
Si je laboure avec mes muscles et mes rames
Une mer dont l'eau morte est un bitume bleu
La sueur qui sur moi verse de lourdes larmes
Ressemble à la résine au flanc des pins huileux
Mes bras chargés d'oiseaux, le nombril de mon torse,
Mon ventre où le tronc large imprime son écorce
Mes jambes par qui l'arbre au bateau s'enracine
Me font captif d'une autre et fabuleuse vie
D'un monstre qui me vêt, me suce, m'assassine
Lorsque la terre est loin et qu'il en a envie
Jean Cocteau
Œuvres poétiques complètes
Gallimard, 1999