La forêt dévorait mon ombre,
Mon ombre, ma tache de sang
Mes ténèbres irréparables…
Toutes les feuilles riaient de moi,
Et j'avançais plus seul qu'un Roi.
Mes souvenirs étaient de sable
Mes espérances de bois mort.
Ô ma forêt, ô mon navire,
Je n'ai qu'une ombre et pas de corps !
Pas de corps qui soit véritable
Pas de pain qui mange la nuit
Et j'avançais, si misérable
Que les bêtes fuyaient sans bruit…
J'avais tué l'enfant de mon amour
Son cadavre encore chaud me remplissait les bras
À chaque pas il devenait plus lourd
Devenait une étoile qui tombe sans un cri.
Ne bercez pas mon enfant mort,
Mon bel enfant tué pour rire.
Il renaîtra dans une aurore
Ou dans le lit de mon délire.
Ses poings qui dorment dans mon sang
Ses poings dorment auprès des anges.
Dormez en paix, ô bonnes gens,
Mon crime passe en robe blanche.
(Genousie.)
René de Obaldia
Sur le ventre des veuves
Grasset, 1996