Mais il y a tant à faire et déjà le voisin
scie la forêt par cœur. Au pré les vaches boivent
le lait du ciel et les moineaux soignent le vent.
Il y a tant à faire et tout va se défait.
Le fil bleu de ta vie, dans quelle cuisine d'ombres
l'as-tu laissé se perdre, lui qui te menait doux
comme ces mots sans voix à l'envers des poèmes ;
ou si c'est une femme là-bas derrière la mer
qui le porte à son doigt, et chacun de ses gestes
— elle pose le café sur la table deux tasses
puis s'arrête, car elle est seule aussi — et chacun
de ses gestes rejoint ton front contre la vitre
qui regarde la mer monter à l'horizon
où il n'y a rien d'autre qu'un vieux noyer d'hiver
et qui étreint du bleu, et qui étreint du bleu.
Guy Goffette
Le pêcheur d'eau
Gallimard, 1994