Seuls les arbres pour moi sont sacrés
ils demeurent à leur place idéale
ils m'invitent — « deviens comme nous
ne voyage plus dans des actes
accueille les vents, accueille les saisons
laisse la vie savoir »
seuls les arbres pour moi sont sacrés
signes d'oracles
nids d'esprits
donateurs d'ombre
ils racontent l'histoire entière
en mille mots, un frémissement
seuls les arbres pour moi sont sacrés
on y tailla les bois de la Croix
mais ils n'ont pas la moindre idée
de la gloire, du sacrifice
ils demeurent
ils font signe
sans le savoir triomphants ils attendent
où sagement subissent le martyre de la tempête
seuls les arbres pour moi sont sacrés
tout-puissants
mais sans le montrer
chaque fois qu'on les abat Dieu est déchiré
chaque fois qu'ils tombent
la nature s'interroge « comment se fait-il
que s'écroule un Titan
est-ce la fin du monde ? »
seuls les arbres pour moi sont sacrés
comme celui que je voyais dans mon enfance
de ma fenêtre
qui ne donnait jamais de feuilles
debout en face, dans les décombres,
comme s'il attendait quelque chose
et moi je priais pour que les dieux le prennent en pitié,
jusqu'à ce matin-là où je l'ai vu,
lui le sec, le stérile
tout entier fait d'argent
avec posées sur lui en guise de feuillage
un fourmillement d'étoiles
et je me suis dit
« le monde, quand même »
seuls les arbres pour moi sont sacrés
et les oiseaux
Juin 1999
Stratis Pascàlis
Poèmes d'un autre
Traduit du grec par Michel Volkovitch
Publie.net, 2003