Une feuille tomba,
puis deux,
puis trois,
Dans la lune un poisson nageait.
L’eau dort une heure
et la mer toute blanche en dort cent.
La dame
sur la branche était morte.
La nonne
chantait dans la bigarade.
La petite fille
montait au pin pour en cueillir la pomme.
Et le pin
cherchait la fine plume du trille.
Mais le rossignol
pleurait ses blessures alentour.
Et moi aussi
parce qu’une feuille tomba,
puis deux,
puis trois.
Et une tête de cristal
et un violon de papier
et la neige pourrissait avec le monde
Une à une
deux à deux
trois à trois.
Oh ! dur ivoire à la chair invisible !
Oh ! golfe de l’aurore, sans fourmis !
Avec le génie des branches,
avec le ay des dames,
avec le coassement des grenouilles,
avec la glaise jaune du miel.
Viendra un torse d’ombre
couronné de laurier.
Le ciel aura pour le vent
la dureté d’un mur
et les branches arrachées
avec lui s’en iront en dansant.
Une à une
autour de la lune,
deux à deux
autour du soleil,
trois à trois
pour que dorme l’ivoire.
Federico García Lorca
Le poète à New York
Traduit par Pierre Darmangeat
Poésies II
Gallimard, 1961
Vals en las ramas
Cayó una hoja
y dos
y tres.
Por la luna nadaba un pez.
El agua duerme una hora
y el mar blanco duerme cien.
La dama
estaba muerta en la rama.
La monja
cantaba dentro de la toronja.
La niña
iba por el pino a la piña.
Y el pino
buscaba la plumilla del trino.
Pero el ruiseñor
lloraba sus heridas alrededor.
Y yo también
porque cayó una hoja
y dos
y tres.
Y una cabeza de cristal
y un violín de papel
y la nieve podría con el mundo
si la nieve durmiera un mes,
y las ramas luchaban con el mundo
una a una,
dos a dos,
y tres a tres.
¡Oh duro marfil de carnes invisibles!
¡Oh golfo sin hormigas del amanecer!
Con el muuu de las ramas,
con el ay de las damas,
con el croo de las ranas,
y el gloo amarillo de la miel.
Llegará un torso de sombra
coronado de laurel.
Será el cielo para el viento
duro como una pared
y las ramas desgajadas
se irán bailando con él.
Una a una
alrededor de la luna,
dos a dos
alrededor del sol,
y tres a tres
para que los