1 —
Je te salue grand arbre
après la pluie d’orage,
enfant nouveau, lavé
de parole et de cris :
la brise maternelle
t’apprendra d’autres langues
que ces remous d’argile
montés jusqu’à ta bouche
avec les mots des morts
tout cela qui s’écoule
en rivière de boue
vers le plus bas des mers :
d’autres langues, solaires,
feuilles vastes et vertes
et qui tirent du ciel
leur source et leur lumière
des langues angéliques
baptisées par le feu,
langues nouvelles, fruits
mûrs sans chute annoncée,
qu’éventeront les brises
aux gorges du feuillage
en respiration large
animée d’oiseaux tristes
de n’être pas des anges
investis de bleu tendre,
mais de simples oiseaux
miraculés de l’aube,
simples oiseaux mortels
sans langage absolu
sans commune mesure
avec cette parole
dictée à voix de mère
au plus pur de l’arbuste,
hermétique à l’averse
et aux voix dans l’humus.
Lionel-Édouard Martin
Avènement des ponts
Tarabuste, 2012