Il neigeait. Un hangar, comme des halles vides, se dressa dans une clairière au milieu des sapins, et des vierges y dansaient entre elles sous un grand toit de plomb. Leurs pieds soulevaient une poussière qui devait avoir été laissée par du foin fleuri, car elle brûlait la gorge et les yeux. J'eus si mal que je cessai de voir. Alors je sentis qu'une bouche, qui était chaude malgré le vent, baisait la mienne d'une façon toute neuve, puis il y eut des éclats de rire autour de moi, des bruits de fouets et de roues, un dernier ricanement, loin déjà. Peu à peu, j'ai retrouvé l'usage de la vue, mais j'ai pris les peuples en haine. Seulement le murmure est doux de la sève à la fin de l'hiver, quand une écorce est contre mon visage et qu'un arbre se penche sur moi, son ami, son frère. |
André Pieyre de Mandiargues
L'Âge de craie
Dans les années sordides,
Astyanax
et Le Point où j'en suis
Gallimard, 2009