Le bois de la croix, c’est le plus solide.
Les péchés, munis de tubes pointus,
n’épargnent quelqu’un, hormis l’invalide.
Les péchés, maris, frères des vertus,
n’ont rien pu sur lui, chiffre de la guerre.
Ses bras contrastés tracent notre état.
Les deux bras ouverts refusent d’en faire
un seul, tout à coup, qui nous délestât.
Le bois de la croix, c’est celui qui rentre
le mieux dans la terre, urne des canons.
Un cercle secret sur lui se concentre
où, poissons blessés, nous tourbillonnons.
Le bois de la croix, c’est celui qui monte
mieux que l’eucalypte et que le palmier
vers l’espace bleu que l’amour escompte
et que nous nommons le verbe premier.
Le bois de la croix, sur l’azur, inspire
l’angle de la vergue avec l’artimon.
Le bois de la croix, détresse la pire,
aussi s’envola, malheur au démon !
Jacques Audiberti
La beauté de l'amour
Gallimard, 1955