Un seul coup de hache bien appliqué sur le côté de l'arbre, de haut en bas comme un trait de gomme, et toutes les branches du même côté tombent dans la mousse en fagots déjà liés et obscurs avant d'avoir touché le sol, laissant où était l'écorce une hideuse bande claire qui ressemble à cette jeune fille jaune soudain dressée devant le bûcheron. Il ne faut pas voir qu'elle est nue puisqu'elle ne rit pas ; il ne faut pas la peindre, il ne faut pas lui donner les verges puisque les broussailles suffisent à cela. Les vêtements appauvris résistent mal aux vœux des loups, et encore, soumise à tants d'éclats tachetés vert et gris de coquilles brisées, elle n'a jamais su que gémir en tendant aux petites plumes bleues qui descendent des nids battus en brèche une poitrine trop maigre pour un chasseur honnête. |
André Pieyre de Mandiargues
L'Âge de craie
Dans les années sordides,
Astyanax
et Le Point où j'en suis
Gallimard, 2009