L'arbre
je l'aime ému de feuilles ici et là qui bougent,
criblé de pluie, trempé, dépenaillé
J'aime qu'il s'entoure de ses formes passées :
noir et nu, griffonné, splendide
̶ si tendre pubescent (et sans ordre ô Chronos)
automnal
Plus que de raison j'aime l'arbre à l'automne :
fauve, feu, chaudronnant
cuivre et pourpre ̶ éploré
bronzant de toutes ses mains mobiles
roussi, brûlé, brûlant ses vaisseaux
J'aime qu'un oiseau le traverse
L'arbre est un traître
Aimez-le comme un frère
Il vous préfère la saison successive
toujours à célébrer des épousailles
selon le rite de chacune
Si tendrement nés de la rugosité
les bourgeons !
Un déploiement d'ombelles, d'embryons, d'ombrelles
un dépliement de membres et membranes de
toutes consistances, de toutes les nuances
modulant déclinant sur tous les tons le vert
Louise Herlin
L'amour exact
La Différence, 1990