Ah, dans l'atmosphère orageuse,
comme ils sont immobiles, les arbres !
À peine le tilleul, grand et beau, toute feuille silencieuse,
laisse-t-il s'exhaler une ultime bouffée de parfum.
Et ce petit arbre fantomatique aux teintes crémeuses
et aux feuilles blanches, blanc ivoire parmi la verdure grimpante,
ce sureau panaché, quelle évanescence... il hésite sur l'herbe verte,
comme si, l'instant d'après, il devait disparaître
avec toute sa grâce écumeuse !
Et le mélèze, tout en fût, dont le port altier défie la vue,
et les sapins baumiers, bleus, de ce gris bleu des bleuités maritimes,
et le jeune hêtre pourpre, aux feuilles frangées de rouge rosé,
ils se tiennent tellement immobiles, de concert, tellement immobiles
dans l'atmosphère orageuse, tous étrangers l'un à l'autre,
dans l'herbe verte aux pointes luisants, étrangers dans le jardin silencieux.
Lichtental.
D.H. Lawrence
Poèmes
Traduits par Lorand Gaspar et Sarah Clair
Gallimard, 1996