Poème dédié au dramaturge algérien Abdelkader Alloula, assassiné le 10 mars 1994 par les islamistes en Algérie, au poète Youcef Sebti, lui aussi assassiné par les islamistes le 27 décembre 1993. |
Mon cœur est terrifié,
une mer étrange
enlace ses vagues.
Mon cœur est terrifié
une mer essuie le goût salé
de ses larmes,
Mon cœur est terrifié,
poisson égaré en mer
dans l'attente d'une larme
tombant du ciel,
don d'un nuage vierge,
fuyant le feu,
la cendre et la tempête
qui aveugle même les enfants,
don d'une époque qu'aucun écrit n'a cité
qui n'a gravé aucun front
des temps passés.
Nuage, blancheur de coton
ou brillance de neige,
une mariée fuit
la nuit de noces
en quête d'un ciel
conservant encore
l'odeur de ses couleurs.
Éclair bleuté dissimulé
dans les yeux de ses filles,
arc-en-ciel
ceinture ornant la taille
d'une femme qui n'a jamais ployé la
nuque.
La lune, broche suspendue aux poitrines,
qui rafraîchit l'ardeur de leur feu
des mains,
des mains dressées vers le ciel
lui dérobent
les plus belles de ses étoiles.
une mer profonde étreint ses vagues
effrayé par la forêt,
par les monstres et les rapaces,
terrifié par les visages
couleur corbeau,
qui font fuir le nuage,
bourgeon dans le ciel,
la promesse d'averse
et de pluie
jurent de ne pas tomber.
Et la graine dans sa terre
étrangle ses germes
et jure dans les yeux des disparus
qu'elle ne bourgeonnera ni ne fleurira.
« Ce temps
terrorise les monstres et les démons,
vieillit les
¹ ni moisson
ni lueur de feu pour nos convives.»
Youcef fasciné, au milieu de ses livres,
cherche sa voix
égorgée par un couteau rouillé
et Abdelkader enlève litham ²
en pleine lumière, en plein jour
et crie avec lejouad ³.
Voilà j'y suis,
ma stature dépasse votre tombe
et de mon
, ma voix forteretentit tel un tonnerre,
trouble votre repos
et ôte le sommeil de vos yeux.
Mon pays,
je suis son lion
et je vous ferai trembler jusque dans vos
forêts
moi,
le fou,
fou par amour de son pays
où nul fou ne me ressemble,
ma stature est grande
votre tombe ne lui suffit pas.
La terre tourne
et même allongé,
je suis dressé,
tel un palmier
dans l'humus de la terre.
Zineb Laouedj
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