Oranger en pot, que ton sort est triste !
Tes feuilles rachitiques frissonnent, effrayées.
Oranger des villes, comme il est triste de te voir
avec tes oranges sèches et ridées !
Pauvre citronnier au fruit jaune
comme un fruit bien lisse de cire pâle,
comme il est triste de te regarder, pauvre petit arbre
grandi dans un méchant tonneau de bois !
Des claires forêts d'Andalousie
qui vous a apportés en cette terre de Castille
que balayent les vents de l'austère sierra,
enfants des campagnes de ma terre ?
Gloire des jardins, ô citronnier
dont brillent les fruits d'or pâle
et qui du noir cyprès austère
éclaires les calmes prières qui s'élèvent en chœur ;
et toi, frais oranger du patio fleuri,
des champs riants et du jardin rêvé,
toujours en ma mémoire, mûr ou fleuri,
chargé de frondaison, d'arômes et de fruits !
Antonio Machado
Champs de Castille
précédé de Solitudes, Galeries
et autres poèmes et suivi des
Poésies de la guerre
Traduction de Sylvie Léger et Bernard Sesé
Gallimard, 1980