(en route, de Vera-Cruz à Mexico)
Je regarde :
les voilà donc,
les tropiques.
Je respire, à nouveau
une nouvelle vie
Le train
se précipite,
parmi les palmiers,
parmi les bananiers.
Leurs silhouettes
balaisse dressent comme des croquis nauséabonds :
on les prendrait pour des prêtres,
on les prendrait pour des peintres.
partout,
des faits à ne pas y croire :
de tout ce raffut, de toute cette merde
se détache
une plante
le cactustel un tuyau de samovar.
Et les oiseaux dans ce four
sont encore plus beaux que prévu :
par leur essence,
ce sont des moineaux,
sous mes yeux,
des paons.
Et avant que j'aie pu
réfléchir à la forêt,
la fièvre,
la chaleur,
la journée,
la forêt et le jour ont disparu,
sans soirée
et sans avertissement.
Où les sillons de l'horizon ?
Toutes les lignes
ont disparu.
Dîtes
laquelle est une étoile,
où sont
les yeux de la panthère ?
Le meilleur trésorier
ne pourrait compter
les étoiles
de la nuit tropicale,
tant les nuits d'août
sont comblées d'étoiles,
une masse.
Je regarde :
ni clarté, ni sentier.
Je respire, à nouveau
une nouvelle vie.
Et le train se précipite
à travers les tropiques,
à travers les odeurs
de bananes.
1926
Vladimir Maïakovski
L'universel reportage
Traduction de Frédéric Deluy
Farrago, 2001