Ayant perdu la tête, grand-mère, un beau jour,
quitta notre logis pour aller s'endormir
dans l'arbre : elle y devint le fruit
d'un rameau dénudé, puis un oiseau,
puis la lune, elle se mit à chanter
une chanson d'enfant.
Ils finirent par l'emmener,
mais elle ne cessa de chanter ses désirs,
le temps de ses désirs, la violence
de ses désirs.
Avec sa ramure octogénaire,
sa sève servile et stérile,
son feuillage dépenaillé,
face aux quatre coins du monde, aux
quatre coins du monde, grand-mère,
face au silence.
Vahan Andréassian
La Poésie arménienne du Vè siècle à nos jours
Anthologie sous la direction de Vahé Godel
La Différence, 2006