rable vermoulu et tout couvert de givre
qu'as-tu à faire le gros dos sous la tourmente blanche ?
Qu'as-tu vu, dis-moi ? Qu'as-tu entendu ?
Ainsi, loin du village tu voulus faire la noce
et sorti sur la route, comme un vigile ivre,
tu plonges dans la congère, et souffres de gelures.
Ah ! ne voilà t'y pas encore quèqu'chose qui cloche,
arriverai-je jamais après notre bamboche.
Là j'ai croisé une saulaie... La sapinière m'a séduit...
dans la tourmente leur ai fredonné mes arias de l'été.
Cet érable, disais-je, c'est moi ! seulement
plein de verdeur et nullement vermoulu.
Hébété, perdant la boule, et toute honte bue
j'étreignis le bouleau¹ comme la femme d'autrui.
28 novembre 1925
¹ Bouleau ainsi que saule et sapin sont féminins en russe.
Sergueï Essenine
Journal d'un poète
Traduit du russe par Christiane Pighetti
ditions de la Différence, 2004