Alors, le héros pénétra dans la forêt. Il s'arrêta sous cet arbre aux pommes dont on parle dans les fables. Une colombe voulut se poser sur l'une de ses branches lorsqu'un vent furieux se leva en même temps qu'une méchante pluie. Il s'aperçut que les nombres et les lettres fuyaient hors du livre d'ombres dès que clignaient les grands yeux de l'éternel caché dans les feuillages. Mêlées au bruissement d'une nuée d'oiseaux qui traversaient les arbres, les heures passèrent, tels les rapts d'autrefois. La silhouette d'une fille ailée, vêtue en chasseresse, l'attira vers un étang où les anciens dieux venaient boire. Il remarqua qu'il s'était engagé trop loin dans les noirs massifs qui couvraient la forêt. L'issue pointait déjà au-delà des étoiles enfouies dans la boue du firmament. Au c | ur de cette matière en gestation, il sentit sur ses talons l'espace chargé de ses éléments en colère et de ses effigies aux échos souterrains. Il se jeta de souvenir en souvenir. Passé et futur s'entrelacèrent au pied du présent. Le ciel et la terre se blottirent l'un contre l'autre. Lutte de métamorphoses ! Et brusquement, son il droit rougit toute la scène, au moment où du gauche s'échappèrent des étincelles pour incendier la peinture d'un sous-bois, accrochée au mur d'une chambre d'enfant.
Abdul Kader El Janabi
Reflets dans le miroir des sables
Traduit de l'arabe par Mona Huerta et A. K. El Janabi
L'Escampette, 2003