Mon arbre chante jusqu’à la mer,
Torche en flammes et vraie torchère.
Il chante et bruit dans le couchant,
Au ras du sol, en se traînant,
Difforme de naissance et d’écorce.
Et moi, je fais corps avec sa chaise
Qui n’est autre que sa branche torse,
Nous sommes l’infirme et l’infirme biaise.
Nous sommes la branche basse sous le vent
Que l’auteur, celle de l’espèce, ne protège ;
Nous sommes si près de la terre noire,
Nous sommes si bizarres dans le cortège
Qu’aucun oiseau chez nous ne nidifie
Eux qui chantent jusqu’à la mer,
Eux qui nous marchent dessus
Pour n’avoir que l’aigre-doux de nos fruits.
Vie bloquée à la hauteur d’un enfant,
La mer aussi se convulse sous l’ouragan,
Comme se convulsent les vastes oiseaux de mer,
Torches en flammes et vraies torchères.
Je les vois qui flambent dans le couchant
Alors qu’ils promettent en remontant
Et qu’en plongeant les flammes mentent,
une aile brisée, l'autre absente.
Armen Lubin
Le passager clandestin - Sainte patience
Les hautes terrasses et autres poèmes
Gallimard, 2005