Ah ! si la parole était un art mécanique, une institution arbitraire, comme l'ont avancé Hobbes et avant lui Gorgias et les sophistes de son école, aurait-elle, je le demande, ces racines profondes, qui, sortant d'une petite quantité de signes et se confondant d'un côté avec les éléments mêmes de la nature, jettent de l'autre ces immenses ramifications qui, colorées de tous les feux du génie, envahissent le domaine de la pensée, et semblent atteindre jusqu'aux limites de l'infini ? Voit-on rien de semblable dans les jeux de hasard ? Les institutions humaines, si parfaites qu'elles soient, ont-elles jamais cette marche progressive d'agrandissement et de force ? Quel est l'ouvrage mécanique qui, sorti de la main des hommes, puisse se comparer à cet orme altier dont le tronc, surchargé maintenant de rameaux, dormait naguère dans un germe imperceptible ? Ne sent-on point que cet arbre puissant, qui d'abord faible brin d'herbe, perçait à peine le sol qui en recelait les principes, ne peut, en aucune manière, être considéré comme la production d'une force aveugle et capricieuse ; mais, au contraire, comme celle d'une sagesse éclairée et constante en ses desseins. |
Antoine Fabre d'Olivet
La langue hébraïque restituée
et le véritable sens des mots hébreux
rétabli et prouvé par leur analyse radicale
1815