Feuilles d'automne qui du vent
connaissez la traîtrise,
je vous vois sur la branche
qui tremblez, si fragiles,
ne quittez pas encore
l'ensemble magnifique
si joliment teinté, par vous,
de pourpre et d'or.
Laissez-moi écouter
la très douce musique
d'une feuille choquant l'autre
quand passe sur vous la brise.
N'enlevez pas déjà
vos si jolies parures
où se trouvent réunis
le doux vert d'espérance
et le brun très foncé
d'un mystère caché.
Pourtant si le vent,
des hauteurs,
vous oblige à tomber,
vous serez encore belles
ou luisantes sur la mousse
ou bien épaisses et douces
comme un tapis doré
étendu à nos pieds.
Un jour, sur l'arbre désolé,
toutes vos places seront vides,
mais, à mesure que les saisons
referont tout le cycle,
d'autres vous remplaceront,
tour à tour très brillantes
ou tout à fait ternies,
se balançant au vent
ou sur le sol blotties.
Feuilles rouges ou jaunes d'or
qui ornez les plus simples rameaux,
vous êtes bien le symbole
d'une vie éphémère
qui pour nous doit finir
mais seulement à nos yeux.
Comme l'automne
avant de nous quitter,
vous projetez vos lumières dernières.
Les belles âmes, avant de s'éteindre,
éclairent, brillent à l'entour
d'une suprême lueur
avec toute la beauté
contenue dans leur coeur.
Frêles feuilles passagères
jamais vous n'êtes plus belles
qu'avant de disparaître.
Voyons là un modèle
qu'il est bon d'imiter :
qu'une vie soit plus riche,
au soir de son couchant,
qu'elle donne à la terre
tout le meilleur d'elle-même
et toute sa qualité.
Sachons qu'il faut
finir, mais finir en beauté,
accepter de baisser
afin de mieux s'élever,
laisser la brume d'automne
pour la clarté des cieux.
France d'Avrigny
Nocturnes
Les Paragraphes Littéraires de Paris, 1967