Chorégraphe des alizés, le cocotier en est aussi la partition inscrite sur ses palmes. Cet arbre a signé depuis longtemps — on le sait peu — un pacte secret avec la rose des vents. Nuit et jour il interprète, dans les mouvements de l'air, une musique dont la finesse est peu perceptible à nos oreilles d'humains. En observant ses lamelles vibrer sous le vent d'est, on croirait que le cocotier détient le magique pouvoir de rendre visibles les mélodies venues du large. Quelquefois, son tronc incliné semble saluer un public fervent. Vision plus prosaïque du cocotier : comme le cochon sous nos latitudes, tout est bon chez ce palmier tropical. Savoureuse, la chair de sa noix, désaltérant, le lait dont on peut faire du beurre. La coquille est matière à divers objets, de la coupelle au cendrier. le tronc sera bois de charpente, gouttière s'il est évidé, barrière ou totem. Le bourgeon terminal, sous le nom de « chou palmiste », est un aliment recherché. Avec les palmes on couvrira les cases, on tissera des nattes, des paniers, des éventails, des chapeaux. Les enveloppes de fleurs, si on les coupe, libèrent un suc doux ; fermenté, il donnera du vin de palme. L'ivresse rapide apportée par ce vin sans couleur, mais au goût singulier, constitue le point d'orgue à la mélodie du cocotier, arbre providentiel. |
Jean Orizet
La Cendre et l'Étoile
Le cherche midi, 2005