I
Frémit cette vieille forêt forêt proche
forêt blessée
oubliée par mon cri en présence de tant de rêves
Est réveillée l'épaisse toile d'araignée de buissons
de branches et d'eaux
qui mènent vers l'inconnu mes fenêtres de rêve
Avec l'œil du soleil qui frétille captif
dans ses filets laiteux
elle incline sa tête sous les vents des années
et ses lèvres jeunes murmurent
de vieilles histoires
Vieille je suis forêt attirée par ce jeune été
abandonné dans les langes du feuillage
qui pousse depuis longtemps et pousse maintenant pour me trans-
former en branche
Écarte-toi du bord de la fenêtre qui creuse
tant de rêves tant d'ombres tant de fleurs
et va-t'en de nouveau après tant d'années sur leurs traces pâles
II
Dans la toile d'araignée de branches et de buissons
le soleil fait frétiller ses jours
Dans cette toile d'araignée transparente des jours
je tisse mes jeux
La rosée a oublié son collier sur la toile d'araignée
du pissenlit
et un nuage rouge écrasera les collines
Je quitte ma petite fenêtre dans le foin
oublié par les eaux de la rivière
et je vais dans la forêt
À cause des branches et du vieux feuillage on ne voit pas le ciel
et pourtant les herbes dissimulent en elles tant de lumière
Dans les flaques qui épient sous les buissons
je lave mes yeux
Je veux passer la nuit
au creux des hêtres
Mais en eux à cause de l'haleine des bêtes et de la mousse qui
pourrit
il fait si humide et si sombre
que beaucoup de fourmis rampent sur mon échine
Et avant que je ne pense que c'est la peur
déjà mes jambes sont plus prestes que mes yeux
Et je m'enfuis vers ma fenêtre
au-dessus des eaux de la rivière
pour rêver de la forêt
III
À cause de ma hâte et de ma peur j'ai oublié mes yeux et je ne
sais pas ce que j'ai vu
Et maintenant à la fenêtre de nouveau coupée en deux
dans une source profonde
j'abreuve le sarment du refus
Il creuse en elle et plonge et cherche
les couleurs perdues de la forêt d'en face
de la vieille forêt
lointaine
Mateja Matevski
Poésie macédonienne
Anthologie par Milan Djurcinov
Les Editeurs Français Réunis, 1972