Un porche, une arche de plein cintre,
Prés et collines, avoine, bois,
Un beau manoir, et, dans l'enceinte,
L'ombre d'un parc obscur et froid.
Là, se dissimulant leurs faîtes
Dans la pénombre de l'allée,
Des tilleuls gigantesques fêtent
Leur deux centième jubilé.
Leur voûte refermée domine
Une pelouse et des massifs
Que quelques sentiers rectilignes
Vont traversant en raccourci.
Pas une tache de lumière
Sur le sable sous les tilleuls.
Seule au loin la sortie s'éclaire
Comme la bouche d'un tunnel.
Mais un jour les tilleuls fleurissent
Et dans le parc alors s'épand,
Avec leur ombre, le délice
De leur arôme conquérant.
Les flâneurs en chapeau de paille
S'arrêtent tous en respirant
Cette senteur inconcevable
Et que l'abeille seule entend,
Qui vous prend au cœur et figure
Alors l'objet et la teneur
Du livre enclos sous la reliure
Du parc et du massif de fleurs.
Sur le vieil arbre centenaire,
Rideau tombant sur le logis,
Brûlent sous les gouttes de cire
Les fleurs allumées par la pluie.
Boris Pasternak
Ma sœur la vie et autres poèmes
Traduction sous la direction d'Hélène Henry
Gallimard,1988