Ce soir je pense
à la légende de l'Oiseau de Feu —
à son apparition des profondeurs
à son chant libérateur —
et tous parlent
du jeune prince,
du rêve des ennemis
et de son salut —
personne ne pense à l'arbre obscur
où l'oiseau est apparu
le premier soir —
personne ne pense à la vie de l'arbre
après ce soir
sans la flamme
des ailes magiques —
moi seule sais
combien l'arbre vit
d'attente et de nostalgie —
et voit autour de lui
les gens qui rôdent —
mais aucun habit bigarré
ne vaut pour lui
la splendeur
de l'Oiseau disparu —
l'arbre ne sait plus
pour qui il fleurit —
et pour chaque feuille qui naît
il se tord au tréfonds de ses fibres —
l'arbre ne sait plus
à qui offrir
son supplice printanier —
et attend la nuit —
la nuit noire sans étoiles ni fontaines —
l'heure de l'obscurité silencieuse —
quand des racines en profondeur
dans un ultime éclair aveuglant
surgira, affluera du tronc
jusqu'à la cime des branches —
son seul et unique bien —
le souvenir embrasé de l'Oiseau —
Mars-août 1933
Antonia Pozzi
La Vie rêvée
Journal de poésie 1929-1933
Traduit de l'italien par Thierry Gillybœuf
Arfuyen, 2016
Abozzo
Io penso questa sera
alla leggenda dell'Uccello di Fuoco —
al suo apparire nel folto —
al suo canto liberatore —
e tutti narrano
del giovane principe
e del sonno dei nemici
e della sua salvezza —
nessuno pensa all'albero oscuro
dove l'uccello apparì
la prima sera —
nessuno pensa alla vita dell'albero
dopo quella sera
senza più la vampa
delle ali magiche —
io sola so
come l'albero viva
di nostalgia e d'attesa —
e intorno veda
la gente che si aggira —
ma nessuna veste variopinta
vale per lui
lo splendore
dell'Uccello scomparso —
l'albero non sa più
per chi sia il suo fiorire —
e per ogni foglia che nasce
si torce nelle intime fibre —
l'albero non sa più
a chi offrire
il suo strazio primaverile —
e attende la notte —
la notte nera senza stelle senza fontane —
l'ora del buio silenzio —
quando dalle profonde radici
in un balenio estremo accecante
sorgerà correrà per il fusto
sino alla cima delle fronde —
unico bene suo —
il ricordo infuocato dell'Uccello —
Marzo-agosto 1933
Antonia Pozzi