Je les vois — foule sur foule ils arpentent la terre.
Arbres secs, effeuillés sans qu'aucun vent d'automne
En soit cause, ils s'égayent d'être dépouillés,
Prêts à défier tout nus les rigueurs de l'hiver.
Nulle sève n'irrigue leurs branches bruissantes,
D'où jaillissent pourtant feuilles et fleurs brillantes,
Leur cœur ne connaît plus le Dieu vivant qui donne
La saison printanière à l'année en attente.
Ils imitent la vie comme pour lui voler
L'éclat de la santé dont parer leur joue blême ;
Ils empruntent des mots pour de creuses pensées
Que leur langue, avec un feint cœur, puisse agiter :
Vivants plus morts dans leur apparence de vie
Que ceux qu'ils donnent à la terre avec des larmes.
The Dead
I see them, - crowd upon crowd they walk the earth,
Dry leafless trees autumn wind laid bare ;
And in their nakedness find cause for mirth,
And all unclad would winter's rudeness dare ;
No sap doth through their clattering branches flow,
Whence springing leaves and blossoms bright appear ;
Their hearts the living God have ceased to know
Who gives the spring time to the expectant year :
They mimic life, as if from him to steal
The glow of health to paint the livid cheek ;
They borrow words for thoughts they cannot feel,
That with a seeming heart their tongue may speak ;
And in their show of life more dead they live
Than those that to the earth with many tears they give.
Jones Very
Esquisse d'une anthologie
de la poésie américaine du XIXè siècle
Pierre Leyris
Gallimard, 1995
Vincent Van Gogh
Jardin en hiver (détail)
Van Gogh Muséum, Amsterdam