Ode en vers baïfins ₂
Je te revois, ô bois Lambert, dans la douceur de mes pensées,
Les mouvantes frondaisons de rayons tremblants traversées,
Les oiseaux qui se jouaient auprès de tes sources glacées,
Les fantômes d'arbres morts qui nous écartaient du chemin
et l'esprit de la forêt qui me prit un soir par la main...
Bois Lambert, je me souviens que nous allions à l'aventure
Cueillir le myrtille noir en nous glissant sous ta ramure,
Émus des plaintes du vent, le cœur troublé par le murmure
des frênes parlant entre eux avec leur frémissante voix.
Le chant triste du coucou montait au plus profond du bois.
Sur la mousse des crapauds nous regardaient de leurs yeux glauques
et des chênes très âgés, aux longs manteaux de lierre en loque,
portaient des vols de corbeaux qui croassaient tous à la fois.
Bois Lambert, ô bois Lambert, comme jadis je te revois.
J'étais un petit enfant quand je m'égarais sur tes sentes
Mais je n'ai rien oublié de toutes ces choses absentes
et ton ombre quelquefois, je crois, tremble encor sur mon cœur,
l'endormant de ses parfums, le faisant pensif et rêveur.
(Février 1908.)
Jean de la Ville de Mirmont
Œuvres complètes
Champ Vallon, 1992
₁ Forêt de sapins proche de la maison de ses vacances enfantines au Lioran
₂ Exercice poétique en vers de quinze pieds inspiré par le système de versification innové
par le poète Baïf (1532-1589)