À Ukzenel Bucpapa
Le jus qu'on va tirer des feuilles sera l'encre verte
dont je me servirai pour décrire les oliviers
sur le chemin vers la citadelle.
Ici ils ne sont pas plantés comme des cartes de visite
que Noé avait éparpillées après
le déluge,
c'est un souvenir du prince Scanderberg qui, au quinzième siècle,
avait ordonné à tous les nouveaux mariés
de planter dix arbres au nom de leur amour.
Les canons de l'histoire, pour embellir le langage,
ne se sont jamais tus ici. La terre qui parlait
le bulgare, le turc et l'italien se tait
maintenant en albanais.
Le sang dont elle est imprégnée jaillit toujours des pompes du cœur,
et sur les troncs des arbres un autre cœur s'incruste avec, dedans,
la promesse que, dans cet amour, personne
n'arrêtera le déluge.
Ronny Someck
Constat de beauté
Éditions PHI, 2008
Traduction de Marlena Braestler