Au milieu de ces bois hostiles et sauvages
Où ne vont pas sans grand péril hommes et armes,
Moi je vais assuré, car je ne crains rien d'autre
Que le soleil dont sont de vif amour les rais ;
Et je m'en vais chantant (ô mes pensées peu sages!)
Celle-là dont le ciel ne saurait m'éloigner,
Car elle est dans mes yeux et dames, demoiselles
Me semblent l'entourer, qui sont sapins et hêtres.
Il me semble l'entendre en entendant les branches,
Le feuillage et le vent et les oiseaux se plaindre,
Et l'onde fuir en murmurant dans l'herbe verte.
Rarement le silence et l'horreur solitaire
D'une ombreuse forêt me plurent à ce point ;
Sinon que mon soleil en est bien éloigné.
Pétrarque
Le Chansonnier
Anthologie bilingue de la poésie italienne
Bibliothèque de la Pléiade
Gallimard, 1994
Per mezz’i boschi inhospiti et selvaggi,
Onde vanno a gran rischio uomini et arme,
Vo securo io, ché non pò spaventarme
Altri che ’l sol ch’à d’amor vivo i raggi ;
Et vo cantando (o penser' miei non saggi!)
Lei che ’l ciel non poria lontana farme,
Ch’i’ l’ho negli occhi, et veder seco parme
Donne et donzelle, et sono abeti et faggi.
Parme d’udirla, udendo i rami et l’òre
Et le frondi et gli augei lagnarsi, et l’acque
Mormorando fuggir per l’erba verde.
Raro un silentio, un solitario horrore
D’ombrosa selva mai tanto mi piacque :
Se non che dal mio sol troppo si perde.
Francesco Petrarca
Le Canzoniere